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IRINA IONESCO LE JAPON INTERDIT Arts Galerie Benchaieb Paris 2004 Relié, cartonnage éditeur, jaquette illustrée. Format 285x230 mm. 56 pages. Edition originale. Tirage limité à 1000 ex numérotés. Prix : 65 € L’ univers tabou et viril des Yakusa et celui de Romantica, actrice underground, se produisant dans les theâtres d’ avant garde Japonais.
IRINA IONESCO "Le Japon Interdit " Tatouage Yakusa - Romantica
> Ma rencontre avec les Yakusas : En avril 1996, je suis partie à Tokyo pour réaliser une série de conférences et mettre sur pied une exposition de mes photographies à la galerie Nikon. J’avais également envisagé, durant mon séjour, de photographier des geishas, les dieux sumo et des modèles Japonais. Mais surtout, mon désir était de rencontrer des femmes tatouées, ayant été très marquée par le film de Yoichi TAKABAYASHI. Sur place, mes éditeurs japonais m’en ont hélas dissuadée : la plupart de ces femmes appartenant au milieu de la prostitution, la démarche s’avérait dangereuse. Néanmoins, un soir, je reçus un appel téléphonique de l’un de mes éditeurs m’annonçant qu’en guise de femmes tatouées, il pouvait me proposer des hommes ! Après un moment d’hésitation, j’acceptai. Les choses s’enchaînèrent alors sans que je puisse rien contrôler. Un rendez-vous avec les hommes en question fut pris pour le lendemain matin. Tout ce que je savais, c’était qu’un chauffeur se présenterait à mon hôtel pour nous emmener à la campagne, mon agent, mon éditeur, un intermédiaire et moi. Mais en aucun cas nous ne pouvions savoir oû nous allions. A 9h30 du matin très exactement, une vaste limousine conduite par un personnage sortant d’une bande dessinée glissa silencieusement puis s’immobilisa devant le perron de mon hôtel. Un homme d’âge mûr, vêtu de manière insolite, sortit de la voiture et s’avança vers moi. Ce n’était pas un Japonais ordinaire, mais je ne le compris pas tout de suite. Il m’ouvrit la portière et, une fois dans la voiture, mon agent, qui s’y trouvait déjà, m’annonça que nous allions rencontrer la mafia la plus en vogue de Tokyo, qu’ils étaient aussi susceptibles qu’impériaux et qu’il fallait, à leur égard, se comporter avec tact. Des Yakusas ! J’allais pouvoir photographier des Yakusas ! Trois heures plus tard, nous arrivions dans leur repaire intime, dans un village blotti au pied d’une montagne avec, à l’horizon, le Mont Fuji. C’était dimanche, jour de marché. Sur le trottoir, alignés devant un étal de fruits et légumes, nous attendaient six hommes grands, jeunes et beaux, accompagnés d’un nain, tous vêtus de manière excessive et couverts de bijoux : montres rollex en or serties de diamants, chaînes en or avec le sigle Coco Chanel en rubis, chemises Issey Myake, chevalières massives jouxtant le petit doigt (coupé !)... Un luxe inouï qui me donna encore plus envie de les déshabiller. Ils se présentèrent cérémonieusement en se courbant plus bas que de coutume et nous invitèrent à déjeuner dans une auberge célèbre. Au menu, une soupe géante et un plat plus immense encore rempli de grandes tranches de cheval cru. Ils rirent très fort en nous disant qu’ils avaient loué un hôtel entier pour la journée, avec un bain japonais à vapeurs, sorte de jacuzzi oriental, pour y faire des photos. Ils me firent découvrir l’endroit puis s’engouffrèrent dans les chambres pendant que je préparais les lumières. Quelques minutes plus tard, les yakusas, nus comme des vers, se jetèrent dans le bain tels des enfants, se laissant diriger, fiers d’être photographiés par une femme. Après une journée de prises de vue, nous pensions rentrer à Tokyo, mais un dîner avait été organisé en notre honneur, servi à la Japonaise dans le grand salon de l’hôtel. Là nous attendait le chef des Yakusas, qui ne s’était pas encore montré. Impressionnant, dans son blouson de cuir blanc frappé du sigle Versace en lettres d’or, il présida notre installation autour de la table, me plaçant juste en face de lui. Les restaurateurs, humbles et tremblants, pénétrèrent dans la pièce en s’inclinant, puis apportèrent une suite de mets fabuleux avec, en apothéose, le fameux poisson vénéneux, le fugu, dont il revint au grand chef l’honneur de prendre la première bouchée. Sain et sauf, il nous invita à l’imiter. En même temps qu’il me regardait fixement dans les yeux, par instinct, j’inclinai la tête en baissant les yeux. C’était, parait-il, exactement ce qu’il fallait faire, car on ne peut pas en tant que femme, braver le regard d’un grand Yakusa. Au dîner, seul son bras droit avait été admis. Les autres attendaient à l’extérieur. Brusquement, à peine le dessert servi, le grand chef se leva et quitta la pièce sans un mot. Dans le hall de l’hôtel, les cinq Yakusas non admis au dîner nous attendaient, les bras chargés de cadeaux emballés tels des pièces précieuses, selon la tradition. Ainsi s’acheva l’improbable rencontre, avec leur promesse, à l’occasion d’un nouveau voyage, de m’emmener au mont Fuji ! Par la suite, j’appris que mon éditeur avait été à la petite école avec l’un des Yakusas, d’ou la chance incroyable d’avoir pu les rencontrer, d’avoir pu les déshabiller. Irina Ionesco
Du tatouage judiciaire au tatouage yakusa : le cas japonais
Le tatouage est immémorial : les premières marques attestées remontent à 5000 ans avant Jésus- Christ. Il est alors magique, étant gravé ou peint sur des figurines qui accompagnent les morts dans l’au-delà. De cette symbolique ésotérique, nous ne connaissons pour ainsi dire rien. Autour du 6ème siècle, il est difficile de préciser plus, il devient marque de justice. Un peu l’équivalent de ce que l’Occident pratiquera beaucoup plus tard avec la marque au fer rouge. Il constitue une sorte de casier judiciaire inscrit sur le corps même du criminel ou du banni. Il se substitue à des punitions corporelles telles que coupure d’une oreille ou d’une phalange, le tarif variant selon la faute commise. Punitions qui correspondent chez nous au germanique wehrgeld pratiqué à la même époque. Ce système subsiste jusqu’au 17ème siècle. Le fait que les criminels arrivaient à rendre illisibles les tatouages judiciaires en les noyant sous d’autres motifs provoque son effondrement. C’est paradoxalement à partir de cette époque où se constituent des guildes de criminels que l’on associe le tatouage au crime organisé. De fait, il fleurit chez les pompiers et les gangs de joueurs, ceux-là mêmes qui donneront tout son sens au mot Yakusa. La mythologie du bandit d’honneur liée pour le grand public à ce dernier terme ne peut être ici évoquée ou discutée. Disons simplement que ce milieu très masculin se comportait au mieux selon un code d’honneur qui n’était pas sans rappeler, vu de loin, celui des Samouraïs, avec l’aptitude à surmonter la douleur ou la privation, à se sacrifier individuellement pour protéger la collectivité. Cette Contre-Chevalerie traduisit cet idéal par le tatouage érigé en rite initiatique, puisque douloureux à réaliser, courageux à arborer, et constituant un point de non retour marginalisant à jamais l’individu qui le porte. Montrer ces tatouages, c’est donc offrir au spectateur les signes d’une contre-société se voulant telle, et, lorsque ces signes se trouvent captés par l’œil d’Irina IONESCO, c’est ajouter au caractère exceptionnel d’un document, celui, incontestable, d’une œuvre d’Art. Irina Ionesco
Vers un autre Japon ?
Elle a trouvé mon adresse une fois arrivée à Paris en compagnie de son imprésario. Elle connaissait mon travail et voulait me rencontrer. Nous avons pris rendez-vous le 26 décembre jour de Noël. Vêtue par des grands couturiers, elle était admirable. La plus belle Japonaise qu’il m’avait été donné de voir. Sa grâce, ses gestes, son visage, son regard m’ont d’emblée séduite. L’objet de sa visite était évident. Elle désirait poser pour moi, et nous avons réalisé une série d’images dès le lendemain, seules, sans aucun témoin. Ensemble nous avons réalisé le maquillage et les coiffures. C’est ma façon de travailler. Puis les images se sont poursuivies à Tokyo, où j’ai réalisé le reste des prises de vue dans l’appartement de mon éditeur. Son nom est Romantica. Elle est une artiste underground se produisant dans des théâtres d’avant-garde au Japon. Elle ose sur la scène montrer la nudité de son corps, bien qu’elle soit issue d’une famille traditionnelle que j’ai eu le plaisir de rencontrer. Notre but était de réaliser un livre avec ses seules images, mais à Tokyo nous n’avons pas trouvé d’éditeur. Les éditeurs japonais préféraient les femmes occidentales, et les livres qu’ils connaissaient de moi. Alors, j’ai laissé dormir les images quelques années durant, et ce n’est qu’aujourd’hui, en hommage à leur beauté, que j’ai décidé de les montrer. Elles parlent d’elles-mêmes, somptuaires et uniques. Irina Ionesco
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