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DU 13 SEPTEMBRE AU 19 OCTOBRE 2013

GANGS STORY
Une exposition de
YAN MORVAN


VERNISSAGE JEUDI 12 SEPTEMBRE À PARTIR DE 19H

Le dimanche 1er septembre 2013





Yan Morvan est né à Paris en 1954. Après des études de mathématiques puis de cinéma, il effectue des reportages sur les Hells Angels de Paris, puis sur les prostituées de Bangkok. En 1974, il publie sa première photographie dans le quotidien Libération. Jusqu’en 1976, il collabore à l’agence Fotolib de Libération, puis à l’agence Norma. La même année, paraît son premier livre sur les rockeurs, Le Cuir et le baston (prémices d’un travail sur les gangs qui durera vingt ans). Plus tard, il intègre l’équipe de Paris Match, puis celle du Figaro Magazine jusqu’en 1980.
De 1980 à 1988, il rejoint l’agence Sipa et devient correspondant permanent de l’hebdomadaire américain Newsweek, pour lequel il couvre les principaux conflits : Iran-Irak, Liban, Irlande du Nord, Philippines, chute du mur de Berlin, Rwanda, Kosovo... Et même le mariage de Lady Di dont sa photo fera le tour du monde. Photographe indépendant depuis 1988, reconnu comme l’un des plus grands spécialistes de la photo de guerre, il collabore régulièrement avec la plupart des grandes publications internationales.
Ses reportages de guerre lui vaudront le prix Robert-Capa, pour son travail au Liban en 1983, deux prix du World Press Photo et de nombreuses récompenses décernées par les écoles de journalisme américaines.
Mettant sa notoriété et son expérience au service des jeunes photographes, il est successivement formateur à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (ENSP), et au Centre de Formation des Journalistes (CFJ). En l’an 2000, sa série de portraits de jeunes victimes de la route, fruit d’une commande pour le FNAC (Fonds National d’Art Contemporain), a été exposée au festival international de photojournalisme Visa pour l’image. Depuis 2004, il enchaîne les reportages sur des sujets de fond : les banlieues et les victimes de guerre ou de la route.
Yan Morvan est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands photojournalistes français. Ses nombreux scoops lui vaudront une reconnaissance et une notoriété internationale, mais également beaucoup d’ennuis : au Liban, il sera condamné à mort à deux reprises, en y réchappant toujours de façon miraculeuse. En France, son travail pour Libération ou Paris-Match sur les gangs lui vaudra d’être pris en otage et torturé pendant trois semaines par le serial killer Guy Georges.

Guy Georges, Paris, squat rue Saint-Sauveur, 1995

Le livre de photos de Morvan « Gangs Story », publié aux éditions la Manufacture de Livres en 2012 et qui retrace par l’image l’histoire des gangs des années 1970 à nos jours, est aujourd’hui retiré de la vente parce qu’il contient la photo d’un ex-sympathisant du groupuscule d’extrême droite Troisième Voie aujourd’hui dissout. Le Nouvel Observateur, qui avait publié la photo, est lui aussi condamné. Sur l’image incriminée, on voit « petit Mathieu », 17 ans en 1987 qui pose avec un pistolet d’alarme dans une main et un marteau dans l’autre. « Les seuls objets contondants autorisés par la police », expliquait à l’époque le sympathisant de 3ème Voie. En guise de décor, punaisé sur le papier peint à fleurs, des affiches à la gloire du troisième Reich. « Cette photo, je ne l’ai pas volée », explique Yan Morvan à Street Press. « C’est même lui qui a choisi comment il voulait poser ». Sauf que 26 ans après « petit Mathieu » est devenu grand et c’est le désormais respectable Mathieu Buquet qui invoque « le droit à l’image » et à « l’oubli » devant la justice.
Le vendredi 26 juillet 2013, à la sortie du Tribunal de grande instance de Paris, le photographe Yan Morvan, n’a pas de mots assez durs pour qualifier le jugement qui vient d’être rendu : « Interdire un livre parce qu’il contient la photo d’un petit facho, c’est vraiment scandaleux. » Son livre « Gangs Story » disparaît donc des rayonnages des libraires...

Petit Mathieu, Paris, 1987

Qu’a cela ne tienne ! Pour son exposition à la Mauvaise Réputation Yan Morvan propose une sélection de photographies, de différents formats, toutes issues de son long travail sur les gangs, beaucoup ont été publiées dans « Gang » et dans « Gangs Story ».

Après les Trente Glorieuses, une population parquée dans des cités dortoirs se retrouve dans le piège de la ghettoïsation. L’histoire des gangs est profondément liée à celle de la société, de l’urbanisme et du développement de phénomènes culturels comme le rock, le punk, le hip-hop et le rap. Conformément au modèle américain, les gangs vont développer une véritable culture : logos, signes de ralliement, mode vestimentaire, musique. Si les jeunes qui organisèrent les premiers gangs l’ont souvent fait pour se protéger des agressions racistes d’autres bandes, notamment de celles des Hell’s Angels, cette motivation première dérivera progressivement pour aboutir aux comportements auto destructifs actuels.

Dany, un biker, La Rochelle, 1976

C’est ainsi qu’à Paris, dans les quartiers populaires, émergent les Black Panthers français et d’autres bandes comme les Asnays ou les Ducky Boys, puis les Red Warriors. Certains d’entre eux vont se lancer dans des chasses contre les skinheads d’extrême droite dans les années 1980. Malgré le code de l’honneur, les armes à feu font leur apparition au sein de ces groupes. La violence monte d’un cran. Au tournant des années 1990, les bandes s’américanisent et se mettent à s’affronter entre elles, l’ennemi skinhead ayant été chassé des rues parisiennes et renvoyé sur ses terres d’Auteuil-Neuilly-Passy. Dans les quartiers difficiles des banlieues, les affrontements deviennent de plus en plus violents entre gangs de jeunes désœuvrés, exclus du monde du travail, et les comportements deviennent dangereusement autodestructeurs.
On s’entre-tue dans la cité, où même des filles se regroupent désormais en bandes.
Les points communs entre tous ces groupes ? La banlieue, la précarité, le chômage, le passage entre l’adolescence et l’age adulte et une extrême codification. Par exemple, tout l’univers des rockeurs est codifié, réglé par la bande : le ceinturon, la cravate-ficelle, et même la marque de leur gomina. Ils se repassent les adresses des coiffeurs qui pratiquent encore la banane à l’ancienne...

Des rockeurs, Montreuil, 1975

Au fil de cette sélection de clichés, les plus anciens datent des années 70, on peut donc observer le folklorique et fascinant quotidien des très polémiques Hell’s Angels de Paris. Mais aussi, photographié dans le squat de la rue Saint-Sauveur, Guy Georges, l’enfant élevé près d’Angers dans une famille d’accueil, très à l’aise dans son rôle de zonard sympa et destroy, il pose sous des photos pornos et veut venger Jacques Mesrine. On croisera Johnny, le rockeur (qui introduira Morvan dans le « milieu ») est marié, mais on ne voit jamais sa femme ; il a une fille, un chien et habite dans un F3. Sa femme travaille pour payer le loyer. Dans le petit appartement, elle gueule devant le portrait d’Hitler que Johnny a punaisé au mur, et s’insurge parce qu’il lui interdit d’afficher des photos de Mike Brant. Pendant ce temps, lui s’amuse avec les « mammas »... Puis, l’on se perdra dans les regards lointains de jeunes squatteurs fatigués et paumés qui adoptent des poses suicidaires... bref, vous l’aurez compris, chaque photographie de Yan Morvan est un témoignage, elle raconte l’intime histoire de ces protagonistes. Une exposition dotée d’un esprit impartial nous ouvre les portes de l’univers des gangs français, sidérant !




BIBLIOGRAPHIE

-  Maurice Lemoine, Yan Morvan, Le Cuir et le baston, Ailleurs, 1976

-  Yan Morvan, Le photojournalisme, Contrejour, 1994

-  Yan Morvan, Patrick Frilet, Photojournalisme, Le Guide, CFD, 1995

-  Jean-Marc Barbieux, Yan Morvan, Mondosex, petit catalogue raisonné des comportements sexuels à l’aube du XXIe siècle, Contrejour, 1995

-  Jean-Marc Barbieux, Yan Morvan, Gang, Marval, 2000

-  Yan Morvan, Photojournalisme, CFPJ, Victoires Editions, 2000

-  Jean-Marc Barbieux, Sylvie Huet, Yan Morvan, BodMod, Marval, 2003

-  Yan Morvan, Photojournalisme, Victoires Editions, 2008

-  Yan Morvan, Kizo, Gangs Story, la Manufacture de Livres, 2012

-  Yan Morvan, Aurélie Taupin, Reporter de guerres, La Martinière, 2012


Autoportrait, Yan Morvan, 1976




L’EXPOSITION

Florence BEAUGIER